Alors qu’on vous parlait du droit d’auteur français avec les différentes sociétés civiles de gestion existantes dans un précédent article, il est désormais temps de se pencher sur le Droit Voisin. Ce droit, souvent confondu avec le droit d’auteur, est apparu tardivement en France et suscite encore certaines interrogations.
Que représente ce droit ?
Les droits voisins des droits d’auteur sont des droits reconnus aux « auxiliaires » de la création. Créés en 1985 à la suite de la loi Lang, ils viennent apporter une source de revenus supplémentaire pour une catégorie bien définie de personnes.
En effet, alors que les auteurs des paroles, les compositeurs de la musique et leurs éditeurs respectifs chargés de commercialiser leurs œuvres jouissaient du droit d’auteur depuis longtemps, leurs principaux partenaires artistiques et économiques se plaignaient de ne pas bénéficier d’un droit similaire. Ces derniers ne percevaient ainsi aucune rémunération sur la diffusion des œuvres, et se contentaient souvent d’un pourcentage sur la vente de disques.
Depuis 2011, les droits voisins ont été prolongés et sont valables pour une durée de 70 ans au sein de l’Union européenne, contre 50 ans auparavant. Ce changement juridique a eu lieu à la suite d’un lobbying des producteurs et des grands artistes-interprètes, revendiquant une durée de vie trop courte pour ce droit.
En effet, de plus en plus d’artistes comme Johnny Hallyday se sont fait connaitre très jeunes du grand public et ne pouvaient pas profiter de la rémunération apportée par le droit voisin sur leurs premières œuvres toute leur vie. Cette durée a donc été prolongée de 20 ans, afin d’atteindre 70 ans de protection tout comme les droits d’auteurs des auteurs et compositeurs.
Au-delà de cette durée, les œuvres et leurs interprétations tombent dans le domaine public et ne peuvent donc plus engendrer de rémunération lié au droit d'auteur ou au droit voisin.
Johnny Hallyday, ayant sorti son premier 45 tours en 1960, n’aurait pas pu profiter des droits voisins jusqu’à sa mort sans changement juridique.
Qui peut en bénéficier ?
En musique, tous les acteurs jouant un rôle essentiel dans l’exploitation de l’œuvre sans être auteur-compositeur peuvent bénéficier de ce droit. On compte donc les artistes-interprètes, les producteurs de phonogrammes et vidéogrammes, ainsi que des sociétés de communication audiovisuelle dans certains cas.
Les artistes-interprètes sont ainsi rémunérés sur leur interprétation personnelle de l’œuvre, les labels et autres producteurs sur les musiques qu’ils ont financées, et les sociétés de communication sur les œuvres qu’elles diffusent.
Droits perçus par les sociétés de perception et de répartition des droits d’auteur et des droits voisins, de 1999 à 2014 - d'après le Ministère de la culture et de la communication
Qui est concerné par le paiement de ces droits ?
Ces droits sont constitués de deux mécanismes principaux : le principe de rémunération équitable et la rémunération pour copie privée.
La rémunération pour copie privée est une redevance prélevée sur tous les supports d'enregistrement physiques comme les disques durs, les clés USB, les cartes mémoires, les CD ou encore les DVD. Cette gratification est destinée à compenser les ayants-droit de la perte due à la copie privée, permettant à un individu de partager à plusieurs personnes la musique achetée seulement une fois. En 2016, le montant de cette rémunération était estimé à plus de 230 millions d’euros en France, qui dispose du taux de taxation pour copie privée le plus élevé d'Europe.
La rémunération équitable quant à elle, est prélevée auprès de diffuseurs de musique à des fins commerciales, dont les radios, la télévision, les boîtes de nuit, ou tout autre lieu public sonorisé comme les bars ou restaurants.
Elle est généralement proportionnelle aux recettes d'exploitation pour les sociétés où la musique constitue un élément essentiel de leur activité. Pour les simples lieux sonorisés, ou la musique apporte une valeur ajoutée, cette rémunération équitable est principalement établie sous forme de forfaits. En contrepartie de cette rémunération, ces commerces n’ont pas à demander d’autorisation de diffusion aux producteurs et aux artistes-interprètes.
Ces sommes sont collectées par la SPRÉ, l’équivalent de la SACEM pour les auxiliaires de la création, qui les répartit entre les sociétés civiles d’interprètes (l’Adami et la Spedidam) et de producteurs phonographiques (la SCPP et la SPPF). Ces organisations reversent ensuite les recettes à leurs adhérents, qui obtiennent ainsi un complément de salaire non négligeable, sur la base des relevés des diffuseurs de musique ou de divers sondages (voir article sur les sociétés de gestion collective).
Conformément à la loi, une partie des sommes collectées est aussi destinée à des actions d’intérêt général comme des aides à la création, à la diffusion du spectacle vivant et à la formation d’artistes. Ce sont ainsi les différentes sociétés civiles de gestion qui sont chargées d’organiser ces nombreux financements.
Afin de faciliter la perception de ces sommes, la SPRÉ a mandaté la SACEM afin de percevoir les sommes dues par les commerces en son nom. La fameuse société civile de gestion française dispose en effet d’une réelle visibilité et d’un des meilleurs systèmes de perception de droits au monde.
Cette rémunération est aussi complétée par près de 200 000 manifestations occasionnelles comme des bals, des banquets ou des kermesses organisées chaque année.
Et en dehors de la France ?
La loi Lang de 1985 instaurant cette « rémunération équitable » est la transposition en droit français de la Convention internationale de Rome de 1961.
Les droits voisins font donc l’objet d'un consensus international majeur depuis la signature de la Convention de Rome de 1961. Mais certains états comme la France ont tardé à transposer ces règles dans le droit national, alors que d’autres pays comme les États-Unis ne reconnaissent tout simplement pas ce principe de droit voisin.
En effet, alors que la majorité des pays du globe s’entendent concernant la juridiction des œuvres sur les droits d’auteur, peu de pays anglo-saxons ont formalisé le concept de droits voisins, étant donné que les labels sont généralement déjà très avantagés par l’environnement juridique.
Sources :
SPPF
SCPP
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